Franz Schultheis
En étudiant Weber et en allant au-delà
de celui-ci: la théorie de Pierre Bourdieu en matière de champ religieux
Au moment même où Pierre Bourdieu vit une conversion biographique profonde
de philosophe normalien en ethnologue et sociologue de terrain durant ses années
en Algérie, il rencontre la sociologie religieuse de Max Weber qui restera pour
lui une référence-clé. De retour en France grâce au soutien de Raymond Aron, il
enseignera la sociologie à l’Université de Lille et, au lieu de faire un cours
sur Durkheim, qui aurait eu sa préférence, Aron le pousse à enseigner la
sociologie wébérienne. Comme nous le raconte Bourdieu ca sera pour lui un
moment décisif, étant donné qu’il découvrira dans la sociologie religieuse de
Weber les structures élémentaires de la théorie des champs qui accompagnera le développement
de sa théorie du monde social durant les décennies à suivre.
Le champ religieux
deviendra paradigmatique pour l’ analyse d’ autres champs sociaux tels que le
champ artistique ou le champ académique en offrant a Bourdieu les perspectives théoriques
et les outils analytiques permettant a comprendre et faire comprendre les
dynamiques sociales caractéristiques de tous les champs, a savoir la
concurrence autour du monopole de définition légitime des enjeux propres du
champ, l’existence d’un capital spécifique autour duquel cette lutte tourne,
dans le cas du champ religieux il s’agit du capital religieux appelé «Heilsgut» par Weber, et
la production d’une croyance collective dans l’ existence du champ, son «illusio» spécifique. Néanmoins,
si Bourdieu doit a Weber l’inspiration théorique de départ, il commencera aussitôt
à s’en émanciper et a aller au-delà des limites du paradigme wébérien qui,
selon lui, reste enferme dans une vision trop interactionniste du champ
religieux tandis que la perspective développe par Bourdieu insistera sur le caractère
«objectif» des structures sociales sous-jacentes a tous les champs du monde social.
Patrick Champagne
La notion de «champ» chez
Bourdieu et son application à l’analyse des medias
Après avoir présenté et discute la théorie des champs de Bourdieu, l’auteur
montre que l’autonomie du champ journalistique est une autonomie sans cesse menacée
parce qu’elle est la résultante, incertaine et instable, de principes de légitimité
incompatibles qui sont en lutte, ou du moins en concurrence, pour s’imposer
dans l’espace du journalisme. Celui-ci, en effet, se caractérise par une triple
polarisation (politique, économique, déontologique), les journaux et les journalistes
à l’intérieur des journaux, devant composer entre ces diverses exigences comme
on le voit particulièrement dans les grands medias audiovisuels. Il n’y a pas,
en effet, de principe de légitimité proprement «journalistique» parce que les
journaux se fabriquent, dans des proportions variables, avec de l’économie,
sont partie prenante au jeu politique et, pour être crédibles, doivent respecter
un certain nombre de règles professionnelles (codes de déontologie invoques
dans les colloques plus que mis en pratique sur le terrain). Si les changements
de ligne éditoriale des journaux sont fréquents, c’est parce qu’ils sont la conséquence
du fonctionnement du champ journalistique caractérise par un glissement général
et permanent vers le pole économique.
Nikos Panayotopoulos
Le concept de champ et le mode
de pensée relationnel
Ce texte se propose de démontrer que le concept de champ, a l’instar des
autres concepts qui constituent le noyau de la sociologie de Pierre Bourdieu (habitus, capital, espace
social, violence symbolique, etc.), représente des programmes de recherche
respectifs, susceptibles d’engendrer des raisonnements cohérents sur la réalité
sociale. L’auteur s’efforce de démontrer, d’un point de vue pratique, la
contribution de ce mode de pensée relationnel, que le concept de champ présuppose,
sur la production de nouvelles assertions scientifiques au-delà des contextes empiriques
spécifiques de leur production initiale ou, plutôt, de confirmer, en mettant
l’accent sur le concept de champ, que la théorie des champs, telle qu’elle est élaborée
par Pierre Bourdieu, fonctionne comme une mise en action contrôlée de principes
épistémologiques de construction d’objets sociologiques et «se nourrit de
la confrontation a de nouveaux objets empiriques». Dans une
telle perspective, l’auteur utilise le concept de champ comme un outil de
travail susceptible de contribuer a la constitution d’une véritable économie
des phénomènes de la domination symbolique internationale.
Anna Boschetti
Les travaux sur le champ littéraire:
enjeux, acquis, perspectives
Εn présentant quelques apports des
travaux que Bourdieu a consacre a la littérature, le texte essaie de montrer
que son œuvre fournit des instruments précieux pour la confrontation entre
disciplines, car c’est un mode de pensée systématique qui, applique a des
objets très hétérogènes, permet des transferts méthodiques de problèmes et de
notions.
Pierre Bourdieu
Le champ scientifique
Le champ scientifique univers apparemment pur et désintéressé de la science
est un champ social comme un autre avec ses rapports de forces et ses monopoles
ses luttes et ses stratégies, ses intérêts et ses profits. Espace de jeu qui a pour
enjeu spécifique la lutte pour le monopole de l’autorité scientifique
(prestige, reconnaissance, célébrité, etc.), le champ scientifique doit
l’essentiel de ses caractéristiques au fait que les producteurs tendent a
n’avoir autres clients possibles que leurs concurrents directs qui sont de ce
fait les moins enclins a accorder sans discussion ni examen une valeur
scientifique aux produits offerts. La lutte dans laquelle le chacun des agents
doit s’engager pour imposer la valeur de ses produits a toujours pour enjeu le pouvoir
d’imposer la définition de la science la plus conforme a ses intérêts
particuliers, la définition de l’enjeu de la lutte scientifique faisant partie
des enjeux de la lutte scientifique. Et la forme que prend cette lutte pour la légitimité
scientifique dépend de la structure de la distribution du capital spécifique de
reconnaissance scientifique entre participants a la lutte: l’histoire des
sciences tend a montrer que, a mesure que les ressources scientifiques accumulées
s’accroissent, la compétition scientifique tend a revêtir la forme
d’innombrables petites révolutions permanentes plutôt que celle de grandes révolutions
périodiques, la différence entre stratégies de conservation des dominants et stratégies
de subversion des nouveaux entrants («les prétendants») tendant a
s’affaiblir. On voit que la question fondamentale qui se pose alors à la
sociologie scientifique de la science consiste à définir les conditions sociales
qui doivent être remplies pour que s’instaure un jeu social ou l’idée vraie
soit dotée de force parce que ceux qui participent ont intérêt a la vérité au
lieu d’avoir, comme en d’autres jeux, la vérité de leurs intérêts. Selon le degré
d’autonomie du champ par rapport aux déterminations externes, la part de
l’arbitraire social qui se trouve englobée dans le système des présupposes
constitutif de la croyance propre au champ considère peut être plus ou moins
grande. Le progrès vers l’autonomie réelle qui est la condition de
l’instauration des mécanismes constitutifs d’un champ scientifique auto-règle
et autarcique se heurte, dans le cas des sciences sociales, a des obstacles inconnus
ailleurs.
Pierre Bourdieu
La représentation politique: éléments
pour une théorie du champ politique
La tendance a la concentration du capital politique est d’autant plus
grande dans une organisation représentative que les groupes représentes sont plus
dépossèdes de capital, spécialement culturel. L’autonomie du champ politique, qui
va en s’accroissant avec le développement d’organisations permanentes de
professionnels, fait que les prises de position des agents se déterminent
d’abord par rapport a l’univers des prises de position concurrentes: par suite,
la correspondance entre les mandataires et les mandants repose moins sur la
transaction directe que sur l’homologie entre la scène politique et le champ de
la lutte des classes dont elle est la representation. Dans la lutte qui se
deroule sur la scene politique, les professionnels ont un poids politique
proportionne a leur pouvoir de mobilisation, c’est-a-dire au credit et a la
croyance qu’ils recoivent soit directement de leurs mandants, soit des appareils
qui les investissent dans la mesure ou ils investissent en eux. Tout un
ensemble de facteurs tend a faire que les organisations representatives des
classes dominees sont vouées a fonctionner comme appareils (ou comme
institutions totales), la militarisation des militants n’étant que
l’exploitation systématique des tendances objectivement inscrites dans la
relation entre les classes dominées et les partis et dans la logique du champ
politique.
Pierre Bourdieu
La force du droit: éléments
pour une sociologie du champ juridique
Une sociologie rigoureuse du droit se distingue de ce que l’on appelle
d’ordinaire la «science juridique» en ce qu’elle prend cette dernière pour objet.
S’arrachant a l’alternative du formalisme, qui affirme l’autonomie absolue de
la forme juridique par rapport au monde social, et de l’instrumentalisme, qui conçoit
le droit comme un reflet ou un outil au service des dominants, elle fait
apparaitre ce que ces deux visions antagonistes, internalise et externalise,
ont en commun d’ignorer, a savoir l’existence d’un univers social relativement
indépendant par rapport aux demandes externes, a l’intérieur duquel se produit
et s’exerce l’autorité juridique, forme par excellence de la violence
symbolique légitimé dont le monopole appartient a l’État. Le contenu pratique
de la loi qui se révèle dans le verdict est l’aboutissement d’une lutte
symbolique entre des professionnels dotes de compétences inégales. La
constitution d’une compétence proprement juridique, (inséparablement technique
et sociale), entraine la disqualification du sens de l’équité des non-spécialistes.
Ce décalage entre la vision vulgaire du justiciable, c’est-a-dire du client, et la vision
savante de l’expert, juge, avocat, conseiller juridique, etc., est constitutif d’un monopole.
Il résulte de la structure et du fonctionnement même du champ ou s’impose un système
d’exigences spécifiques dont le cœur est l’adoption d’une posture globale,
visible notamment en matière de langage. Le droit est sans doute la forme par
excellence du pouvoir symbolique de nomination et de classement qui crée les
choses nommées et en particulier les groupes. Il n’est pas trop de dire qu’il
fait le monde social, mais a condition de ne pas oublier qu’il est fait par
lui.
Maurice Godelier
Quels rapports sociaux font d’un ensemble
d’individus et de groupes une société?
L’idée principale du texte est que seuls les
rapports politico-religieux instaurent et légitiment la souveraineté
territoriale d’un nombre donne de groupes sociaux et que seuls ces rapports
sont en mesure de faire de ces groupes de véritables sociétés historiques.
Cette thèse réfute l’idée, partagée par la plupart des anthropologues, selon
laquelle les rapports de parente constituent le fondement de la société.
Bernard Vernier
La transformation des formes de flirt dans six
villages musulmans de Grèce
Les jeunes de certains villages musulmans de Grèce,
ont pris l’habitude de se rencontrer chaque jour en plein air, durant une
heure, pour flirter. Il s’agit, ici, d’expliquer la diversité des formes
structurales de ces rencontres dans six villages qui ne sont pourtant jamais
distants de plus de 30 km les uns des autres, leur évolution sur 13 ans et
l’absence de cohérence interne de chaque rencontre sous le rapport des différents
traits pertinents retenus: moment de la rencontre (de jour ou de nuit), habits féminins
(plus ou moins traditionnel), type de communication entre les jeunes (par les
yeux, les gestes ou la parole), etc. Il apparait alors qu’une étude
d’ethnographie historique et comparative peut fonctionner comme un véritable
dispositif d’expérimentation scientifique permettant de découvrir des vérités anthropologiques
a caractère général.
Agnès Fine, Véronique Moulinié & Jean-Claude Sangoï
De mère en fille: la transmission de la fécondité
Des enquêtes récentes menées en France mettent au
jour le sentiment de honte éprouve par des femmes qui furent enceintes a un âge
considère par elles et leur entourage comme trop tardif. Il témoigne de
l’existence de normes implicites sur l’âge adéquat pour procréer et d’un véritable
interdit pour les femmes d’être mères à nouveau lorsqu’elles sont en âge d’être
grands-mères. Rédige par trois chercheurs, anthropologues et démographes, cet
article montre comment ces normes concernent la question de la succession des générations,
en particulier celle du transfert du pouvoir génésique de la mère à sa fille.
L’analyse se nourrit de plusieurs sources et, notamment, de la comparaison avec
les pratiques et les croyances étudiées par les ethnologues dans les sociétés
africaines contemporaines et passées. A l’aide des sources et des outils de la démographie
historique, l’article révèle l’existence de cet interdit et sa fréquence dans
deux régions rurales du sud-ouest de la France au XIXe siècle. Les auteurs
s’interrogent sur la persistance et les transformations actuelles de ces normes
implicites, puis concluent sur les pistes nouvelles qu’ouvre cette recherche
pour la démographie historique et, plus généralement, sur les orientations théoriques
en sciences sociales.
Robert Castel
La «guerre a la pauvreté» aux Etats-Unis: le statut
de l’indigence dans une société d’abondance
C’est cette liaison organique entre la dénégation
politique d’un statut de la pauvreté et l’inflation des techniques
psychologisantes au niveau de sa prise en charge que l’on s’efforce d’élucider à
travers l’examen des différentes politiques assistancielles qui se sont succédé
aux Etats-Unis depuis un siècle. Si presque toutes les institutions américaines
spécialisées dans la gestion de la pauvreté (y compris les récentes
bureaucraties fédérales) fonctionnent en dernier recours a la psychologie,
c’est qu’elles fondent leur travail sur une définition de l’assiste auquel un
statut social est refuse d’emblée.
Robert
Boyer
Sept
scenarios pour l’avenir de l’Union Européenne
Les difficultés rencontrées pour surmonter la crise
de la zone euro, ouverte au printemps 2010, tiennent à l’insuffisance de la
gouvernance économique instituée par les traites européennes: finance
internationale, Conseil Européen, gouvernements des pays membres, Banque
Centrale Européenne et Commission Européenne poursuivent des objectifs qui s’avèrent
incohérents, alors que manquent les instruments d’une réponse coordonnée.
S’ouvrent ainsi divers scenarios en fonction de l’acteur collectif qui
parviendra à imposer ses vues et resynchroniser les divers outils de la
politique économique. Depuis juillet 2012, c’est la BCE qui impulse des
reformes visant à restaurer la confiance en l’avenir de l’Euro (scenario 1).
Cependant une telle stratégie n’est pas conforme à la vision allemande d’un fédéralisme
reposant sur des règles excluant toute solidarité et transferts durables entre
pays (scenario 2). Mais ce projet a pour conséquence d’exacerber la différence
des trajectoires entre Europe du Nord et Europe du Sud, au point de pouvoir déboucher
sur un fractionnement de la zone Euro (scenario 3). Le rejet par les opinions
publiques nationales de la discipline européenne est susceptible de déboucher sur
une politique du chacun pour soi, du nationalisme et du protectionnisme
(scenario 4). Face à ce risque, le gouvernement britannique serait en position
de proposer un retour à une simple zone de libre échange et d’une Europe à la
carte, sans intégration politique (scenario 5). La réponse des fédéralistes
serait alors de promouvoir un approfondissement sans précédent de la démocratie
à l’échelle européenne (scenario 6). Faute de succès de l’une ou l’autre de ces
stratégies, il se pourrait que le dernier mot appartienne à la finance
internationale qui déclencherait a nouveau la tempête par une flambée des
primes de risque (scenario 7). Ces scenarios ne s’excluent pas l’un l’autre car
ils ont de grande chance de se succéder et de s’hybrider. Une incertitude
radicale prévaut qui déjoue toute prétention de prévision.
Fréderic
Lebaron
Pourquoi
l’austérité tue: les conséquences des politiques d’austérité en Europe depuis
2010
Les conséquences sociales des politiques d’austérité
en Europe sont un enjeu démocratique de première importance. La mise en place
d’une évaluation scientifique des politiques publiques indépendante peut seule
permettre de déterminer précisément la part des responsabilités dans
l’accroissement des souffrances sociales. L’ouvrage de David Stuckler et Sanjay
Basu The Body Economic illustre une des premières réalisations de grande
ampleur du projet consistant à mesurer empiriquement, sur la base de méthodologies
modernes, les effets des politiques d’austérité en réponse aux crises. A partir
de plusieurs périodes historiques, ils concluent a leur grande nocivité pour la
sante des populations.
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